Tamamura Kōzaburō

Biographie

Tamamura Kōzaburō (玉村 康三郎, 1856-1923?) est né en 1856 à Edo. Il était le fils aîné d'une famille liée au temple Rinnoji de Hoshino, branche de la famille impériale dont l'héritier était prêtre supérieur du temple principal de Nikkō depuis 1654. En 1867, à l’âge de onze ans, il entra comme apprenti chez le photographe Kanamaru Genzō1 dans le quartier d'Asakusa à Edo et y resta sept ans. A dix-huit ans, il ouvrit ensuite son propre studio de portraits à Asakusa en 1874. En 1882 il fut chargé d'un reportage sur l'industrie du thé par une compagnie japonaise dont la diffusion aurait contribué à augmenter les ventes de thé à l'étranger. L'année suivante, il reçut commande d’un sujet sur la sériciculture, autre industrie d’exportation majeure dans le Japon de Meiji. En 1883, il ouvrit à Yokohama un studio spécialisé dans la photographie touristique (Yokohama shashin)2. Ce studio, était situé au nno 2 de Benten-dōri, la grande rue commerçante du quartier japonais de Yokohama, surnommée « Curio Street » par les résidents étrangers. Il devint rapidement l'un des plus importants du pays produisant de luxueux albums laqués de vues coloriées du Japon, des peintures et des vues pour lanterne magique3 qu'il exportait dans le monde entier et pour lesquelles il avait comme clients réguliers les universités de Cambridge et de Chicago. Il voyagea aussi hors du Japon et reçut de nombreux prix au Japon et à l'étranger.

Tamamura avait une politique commerciale très agressive. Ainsi dans la 5e édition du guide touristique « A Handbook for Travellers in Japan » de Chamberlain et Mason publié en 1899, il avait inséré cette publicité emphatique pour son studio :

K. TAMAMURA
The Leading Photographer of Japan
No. 2, Benten-dori
Is the place for tourists to get :

The finest collection of views
The finest colored views
The finest photographs in native costume
the largest collection, the largest studio, the best artists,
and, better than all,
the lowest prices.

« Better than all, the lowest prices. ». Tout était dit… mais la qualité de ses albums, bien qu’inégale pour la mise en couleurs, pouvait être réellement exceptionnelle. Il décrocha ainsi une commande mirifique d’un éditeur américain de Boston, J.B. Millet, décrite à l’époque dans un article du 19 juillet 1896 du Mainichi Shimbun qui annonçait que le studio de Tamamura avait expédié à Boston 40.000 tirages, première livraison d'une commande « d'un million de photographies » pour laquelle il avait déjà embauché 105 artisans [pour effectuer les tirages et la mise en couleur] :

« The Tamamura Photo Studio in 1-chome Benten Dori, Yokohama received an order from Mr. Shillet [Millet], a Bostonian merchant for 1,000,000 photographs of Japanese landscapes, customs and manners, but since then the studio temporarily hired 105 craftsmen and completed its first export of 40,000 pieces great and small and is said to be expecting to complete about 180,000 pieces in a month. »

Le chiffre d’un million de photographies était probablement exagéré mais Tamamura a effectivement fourni l'ensemble de épreuves coloriées à la main pour les différentes éditions de Japan : Described and Illustrated by the Japanese. Un ouvrage quasi encyclopédique, en une dizaine de volumes, publié à Boston par la compagnie J.B. Millet sous la supervision du capitaine Francis Brinkley4. Cet ouvrage, qui était illustré de véritables photographies insérées dans ses pages5, eut 16 éditions totalisant plus de 400.000 épreuves coloriées6… Par ailleurs, les registres du commerce à l’exportation pour Yokohama enregistrèrent dans la catégorie photographie, entre 1895 et 1896, une augmentation de près de 550 %, passant de 4.583 à 24.077 yens…

A partir de 1890 le studio principal de Tamamura à Yokohama fut transféré à Benten dōri, 1-chōme, No 2. Il possédait également un autre studio, le Gyokushindō, situé à Sumiyoshi-chō, 4-chōme sur Bashamichi-dōri, « la rue des calèches » (馬車道), dans le quartier occidental (the Settlement) et qui était alors la rue la plus à la mode de Yokohama. En 1909 Tamamura possédait la compagnie photographique payant le plus d’impôts du Japon. En 1916, il céda la direction de son studio à son fils aîné, Tamamura Kihei (玉村騎兵衛, c. 1880-1951), qui devint un photographe pictorialiste renommé. Le studio fut alors transféré dans un bel immeuble de deux étages à Ogami-chō, 5-chōme, toujours à Yokohama. Ce studio fut détruit lors du grand tremblement de terre du Kantō, le premier septembre 1923. On perd ensuite la trace de Tamamura Kōzaburō dont la date du décès est inconnue à ce jour et qui fut peut-être une des victimes du séisme.

Tamamura avait également une succursale à Kōbe, relativement indépendante, avec pour nom commercial « Tamamura the Photographer, Kobe ». Celle-ci, déjà active à la fin du xixe était gérée par Takagi Teijirō7 (高木庭治郎), un ancien apprenti de Tamamura à Yokohama. En plus des activités courantes de portrait et de vente d’albums, le studio de Kōbe s’était engagé, depuis au moins 1898, dans une production soutenue d’ouvrages imprimés en collotypie8 utilisant le fonds de photographies de Tamamura et des reportages réalisés par Takagi qui était également un excellent photographe. Un encart publicitaire (non daté) proposait 25 titres9 et ajoutait « We are constantly producing similarly illustrated albums, with explanatory details, of "Things Japanese." ». Progressivement, Takagi prit le contrôle du studio et à partir de 1913 le studio fut renommé « Takagi Photographic Studio & Art Gallery », situé au No 42, Nishimachi, à Kōbe, en ne faisant plus aucune référence à Tamamura. Takagi ouvrit également une branche à Kyōto en 1918.

Six mois après le grand séisme du Kantō, qui avait détruit le studio de Tamamura à Yokohama, Takagi arrêta également la photographie. Il céda son entreprise à ses employés, qui la renommèrent Futaba Shōkai (Futaba Photographic Company), le 4 mars 1924.

Références :

BENNETT Terry, Photography in Japan 1853-1912, Tokyo, Tuttle Publishing, 2006.

DOBSON Sebastian, « Yokohama Shashin », in Art & Artifice: Japanese Photographs of the Meiji Era – Selections from the Jean S. and Frederic A. Sharf Collection at the Museum of Fine Arts, Boston, Boston, MFA Publications, 2004, 15-28.

ESTEBE Claude, Le premier âge d’or de la photographie au Japon (1848-1883), Thèse de doctorat en langue & civilisation japonaise, sous la direction de Pierre-François Souyri, Paris, INALCO, 2006.

BOYD Torin, IZAKURA Naomi 井桜直美, Portraits in Sepia From the Japanese carte de visite collection of Torin Boyd and Naomi Izakura セピア色の肖像 幕末明治名刺判写真コレクション, Tōkyō, Asahi Sonorama 朝日ソノラマ, 2000.

KANEKO Ryūichi, Nihon shashinka jiten 日本写真家事典 , Kyōto: Tankōsha 淡交社, 2000.

Sites Internet :

BAXLEY George C., Baxley Stamps, Tamamura Kosaburo - Japanese Photographer.
www.baxleystamps.com

NAGASAKI UNIVERSITY LIBRARY, Metadata Database of Japanese Old Photographs in Bakumatsu-Meiji Periods.
oldphoto.lb.nagasaki-u.ac.jp

OECHSLE Rob, Images of lotus land: the life and camera work of * T. Enami *.
www.t-enami.org


Claude Estèbe

Notes

1. Kanamaru Genzō (金丸源三, 1832-1908) dont le nom de famille était Takahashi (高橋), est né dans la province de Kai, soit l'actuel département de Yamanashi. Il a été formé par le rangakusha, peintre et photographe Shima Kakoku (島霞谷, 1827-1870) et a ouvert son premier studio-photo dans le quartier d’Asakusa –Umayabashi à Tōkyō en 1868.
Il a réalisé des portraits de célébrités comme le daimyō de Tosa Yamauchi Toyoshige, le maître d’armes Yamaoka Tesshū, l’acteur de kabuki Sawamura Tanosuke III ou la courtisane du Yoshiwara surnommée la nouvelle Murasaki (Ima Murasaki).
Trois épreuves (portrait et scènes de genre) ont pu être attribuées à Kanamaru Genzō dans la collection du musée Guimet (177_29, 177_33 et 251_10).

2. Il aurait cependant résidé à Yokohama dès 1876 mais il n’existe pas d’informations précises sur son premier studio dans cette ville.

3. Les positifs sur verre se vendaient alors trois fois plus cher que les épreuves sur papier albuminé.

4. BRINKLEY F. éd., Japan : Described and Illustrated by the Japanese – written by eminent japanese authorities and scholars – edited by captain F. Brinkley of Tokio Japan. With an essay on Japanese art by Kazuko Okakura director of the imperial art school of Tokio Japan, Boston, J.B. Millet Company, 1897.

5. Il semble bien que le studio de Tamamura est produit et supervisé l’ensemble des épreuves pour J.B. Millet. Par contre, les négatifs originaux provenaient de différents studios, essentiellement T. Enami, Tamamura lui-même et Kusakabe Kimbei. Par rapport aux épreuves de ses propres albums, celles destinées à l’édition ont des tirages moins denses et moins contrastés, avec une mise en couleurs de qualité mais moins soignée.

6. Pour 14 des 16 éditions de Japan, 151.500 photographies de grand format et 254.000 photographies de petit format, toutes coloriées à la main, furent insérées dans les 37.750 volumes…
cf. BETHEL Denise, « The J. B. Millet company’s Japan: described and illustrated by the Japanese. An initial investigation », Image (Journal of Photography and Motion Pictures of George Eastman House), Rochester, George Eastman House, Spring/Summer 1991, Volume 34, Nos. 1-2, pp. 2-21.

7. Elle avait pour adresse en 1903 « No. 2 Kobe ».

8. Un marché alors occupé à Tōkyō par le prolifique studio d’Ogawa Kazumasa.

9. Quelques titres :
The Ceremonies of a Japanese Marriage
Japanese views and Characters (Vol. I. , Vol. II., Vol. III.)
( le musée Guimet en possède un exemplaire)
The New Year in Japan.
Japanese Tea House (The social restaurant.)
The Festival of the Ages.
Bushido Spirit.
The Fishermen's Life in Japan.
The "Ceremonial Tea" observance in Japan.
The Chrysanthemums in Japan.
A wintry tour around Fujiyama.
The Rice in Japan.