Raimund Stillfried-Ratenicz (Baron von)

Château de Nagoya sans ses sachihoko


Inscription

NAGOYA. 187


Commentaire

Le donjon principal du château de Nagoya dans l'ancienne province d’Owari (actuel département d’Aichi). Ce château fut la résidence de la famille Tokugawa d’Owari, une des trois branches les plus proches des shogouns Tokugawa.

La tour à quatre étages est couverte d'une toiture de tuiles de cuivre vert. On note l'absence sur le toit de ses deux célèbres sachihoko 1 (鯱). Ces sculptures hautes de deux mètres soixante, en bois de cyprès japonais (hinoki) recouvert de cuivre et d'une feuille d'or fine étincelant au soleil, forment un couple de dauphins mythiques 2 . Mais si Stillfried n'a pas pu voir les sachihoko à Nagoya quand il prend cette photographie vers 1872, il allait bientôt les retrouver à Vienne. En effet, les sachihoko avaient été démontés pour être envoyé à l'exposition universelle de Vienne (Vienna Weltausstellung) de 1873. Ce fut la première participation officielle du gouvernement japonais à une exposition internationale. L’Exposition universelle de Vienne ouvrit ses portes le 1er mai 1873, avec 53 000 exposants. Le pavillon japonais qui comprenait un temple shintō et un jardin regroupait de nombreux trésors :

« La présentation japonaise comprend : des soies, des laques, des porcelaines, des bronzes, des émaux, des ouvrages en bambous, rotin, ivoire, écaille, baleine, des échantillons de cuir et des cuirs ouvrés, des objets sculptés, des peintures et des dessins (anciens et modernes), les gravures dites Nishiki-ye, diverses peintures à l’huile et éventails, divers papiers, etc. Parmi les objets de grande dimensions, deux poissons en cuivre doré et argenté, fondus en 1596 et provenant du château d’Owari, une "empreinte du Tai-boutsou de Kamakoura" en papier maché ; un "modèle d’une pagode à cinq étages du temple de Ten-nō-ji" ; un large tambour de 2,40 m de diamètre ; une grande lanterne de 3,60 m de haut. »

Mais le Japon n’était pas représenté que par son gouvernement. Un correspondant à Yokohama du Chicago Daily Tribune notait le 22 janvier 1873 à propos des préparatifs pour l’exposition de Vienne l’arrivée d’un outsider :

« To crown all, an enterprising German, Baron Stillfried, arranged to erect a japanese house in the ground of the Exposition, for the sale of photographs curiosities, etc. He made bargains with Three Yokohama Belles to accompany him to Vienna for one year, to act as stall-keepers, at $10 per month, and with two carpenters to put up the house. These native ladies — who were by no means virgins — were to dispense japanese tea and rice-beer [sake], in their neat costume, and, of course, when they arrived in Vienna, they would be "Princesses" at once, and great deference would be paid to their "rank" 3 . »

Dans sa chaya, maison de thé japonaise, Stillfried exposait et vendait ses propres photographies du Japon, dont une partie avait été réalisée pour le gouvernement japonais.

Notes

1. On peut comparer cette vue avec une vue ultérieure du Château de Nagoya par Suzuki Shin'ichi II avec ses sashihoko retrouvés. Cf. 016_26, collection Dubois, MNAAG.

2. Le sachihoko est un animal légendaire du folklore japonais avec une tête de tigre et un corps de carpe qui avait le pouvoir d'amener la pluie.

3. « Pour couronner le tout, un Allemand entreprenant, le Baron Stillfried, a prévu de construire une maison japonaise dans l’enceinte de l’Exposition, pour la vente de photographies, curiosités, etc. Il a conclu un arrangement avec trois "Belles" de Yokohama pour l’accompagner un an à Vienne afin de tenir la boutique pour 10$ par mois et avec deux charpentiers pour assembler la maison. Ces japonaises — qu'on ne peut en aucun cas qualifier de vierges — devraient servir le thé japonais et la bière de riz [saké] dans leur tenue impeccable, et bien sur, quand elles arriveraient à Vienne, immédiatement elles seraient des "Princesses", avec tous les égards dus à leur "rang". » »


Index


Permalien pour cette notice

http://www.guimet-photo-japon.fr/notices/notice.php?id=185