Kōzaburō Tamamura

L'île d'Enoshima vue depuis la plage de Katase No 413. ENOSHIMA ISLAND


Commentaire

La charmante île d’Enoshima (島江), dans la baie de Sagami, était une promenade facilement accessible depuis Yokohama. Elle a souvent été traitée en photographie, depuis différents points de vue. Cette composition de Tamamura renouvelle le genre avec une vue frontale de l’île mais dont la perspective est étagée par un premier plan structuré par un superbe pin et un homme qui pose de manière assez ostentatoire au deuxième plan, le dos de son happi, orné de sinogrammes et de motifs ajoutant une touche d’exotisme 1 . Les deux premiers plans sont reliés entre eux par les pas de l’homme dans le sable et plus loin, l’île d’Enoshima est reliée à la plage de Katase (片瀬) par une mince ligne de terre, découverte uniquement à marée basse. L’île d’Enoshima abritait un lieu de pèlerinage célèbre, avec son temple bouddhique dédié à Benzaiten (弁財天) et des grottes pittoresques, et offrait par beau temps aux touristes de superbes vues sur le mont Fuji devant la baie de Sagami depuis les terrasses de ses chaya.

L’homme en happi, vu de dos, campé fermement sur ses jambes, rappelle le style des compositions des grands « primitifs » de la photographie japonaise, Uchida Kuichi (内田 九一, 1844-1875) et Ichida Sōta (市田左右太, 1843-1896), quand la présence d’un assistant du photographe dans la scène photographiée était une manière de signer l’épreuve 2 .

L’île romantique d’Enoshima est le cadre de l’action du célèbre livre L’Honorable partie de campagne 3 paru en 1924. Une ballade galante rocambolesque décrite avec un humour corrosif dans un style très moderne par le lieutenant d’artillerie Roger Poidatz (1894-1976). Celui-ci, polytechnicien et pilote de reconnaissance, l’écrivit sous le pseudonyme de Thomas Raucat 4 , lors de son séjour au Japon où il était formateur pour la photographie aérienne.

Notes

1. Cette épreuve est reproduite, p. 87 dans l’ouvrage : GHESQUIERE Jérôme [éd.], La photographie ancienne en Asie, Paris, Scala, 2016.

2. Cf. épreuve 10558 du rare album d’Ichida Sōta conservé au musée Guimet.

3. RAUCAT Thomas, L’Honorable partie de campagne, Paris, Gallimard, 1924.

4. Thomas Raucat donne un mauvais jeu de mots en japonais. Phonétiquement tomarō ka (泊まろうか) peut signifier « Et si l’on restait ici pour la nuit ? » (dans cette chaya, dans ce love hotel…).


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