Apollinaire Le Bas

Japon, Yokohama, soldats français, palanquin chinois et porteurs japonais. CHINE ET JAPON Chaise de Canton portée par des Japonais


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CHINE ET JAPON
Chaise de Canton portée par des Japonais 


Commentaire

Cette épreuve sert de transition entre les deux parties de l'album. Le Bas vient d'arriver au Japon, à Yokohama, et prends un premier portrait de militaires français de la concession internationale de Yokohama mettant en scène un moyen de transport pour le moins inhabituel au Japon.

Cette chaise pourrait avoir été ramené de Chine pour pallier le légendaire inconfort des transports japonais à l'époque Bakumatsu : norimono et kago. Le maniable, rapide et confortable jinrikisha ne fit son apparition que vers 1871. L'aspect désuet des moyens de transport japonais à cette époque n'est pas dû à un manque d'ingéniosité mais aux règles très strictes sur la circulation des personnes imposées par les shogouns Tokugawa dans le but de prévenir tout mouvement rapide de troupes des daimyō « extérieurs » (Tozama daimyō) potentiellement hostiles. Ainsi s'explique le manque volontaire de ponts et de routes carrossables et l'interdiction d'utiliser des carrioles tirées par des chevaux à l'époque Edo. Ces questions de transports intéressent évidemment au plus au point les militaires français. De plus la superbe chaise à porteurs chinoise pourrait être un précieux souvenir d'un officier français, le bibelotage étant une activité très prisée des visiteurs en Orient. Notons également que lors de la prise de Pékin en 1860, les troupes anglaises et françaises avaient mis à sac le palais d'été. Certains officiers avaient profité de cet événement pour se constituer un véritable butin. Le colonel et photographe amateur Charles Louis Du Pin (1814-1868) s'était d'ailleurs attiré les foudres de sa hiérarchie à cette occasion – il a été mis en non-activité par décision de l'empereur – en mettant en vente aux enchères publiques à Paris à l'hôtel Drouot des « objets d'art provenant en partie du Palais d'été de Ynen-ming-Ynen [Yuanming Yuan] et composant le musée chinois et japonais de M. le colonel Dupin » 1 .

Cette chaise chinoise à huit porteurs est d'ailleurs du même type que celle utilisée par le Baron Gros (1793-1870) 2 , ambassadeur extraordinaire en Chine, lors de son entrée dans Pékin pour ratifier la convention éponyme qui valida le traité de Tien-Tsin, le 25 octobre 1860 3 . La veille, le Lord britannique, Elgin, était lui entré à cheval. Le Baron Gros avait déjà ratifié le traité d'amitié et de commerce entre la France et le Japon conclu à Edo le 9 octobre 1858. La légende originale de cette épreuve « Chine et Japon » pourrait également faire référence à ces événements encore récents.

Notes

1. Cf. POLAK Christian, Lys et Canon, Images et correspondances retrouvées (1860-1900), Tōkyō, Chambre de commerce et d'industrie française du Japon, 2013, p. 157.

2. Le Baron Jean-Baptiste Louis Gros (1793-1870), diplomate français, sénateur, voyagea beaucoup et fut également l'un des pionniers de la photographie française, utilisant une chambre daguerrienne. Il produisit plusieurs daguerréotypes remarquables, dont des vues de l'Acropole en 1850 et fut membre de la Société Française de Photographie.

3. Cf. WANAVERBECQ Anne-Laure, Felice Beato en Chine. Photographier la guerre en 1860, Paris, Somogy Éditions d’art, 2005, p.17.


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