Apollinaire Le Bas

Japon, Détroit de Shimonoseki, Ville de Shimonoseki, Les escaliers du sanctuaire Kameyama Hachiman-gū JAPON Pagode de Shimonosaki, construite sur le bord de la Mer


Inscription , au dessus et au dessous de la photographie, sur le support

JAPON
Pagode de ShimonosaKi, construite sur le bord de la Mer.


Commentaire

Vue de la mer, quand on passait le détroit, le sanctuaire shintō Hachiman-gū était spécialement impressionnant avec son escalier qui semblait plonger dans la mer 1 . Alfred Roussin décrit ainsi cette photographie de Le Bas reproduite en gravure dans son article sur l'expédition de Shimonoseki publié dans Le Monde Illustré du 31 décembre 1864 : 

« La photographie no 2 représente les escaliers de la pagode de Kamihama-yū à Simonosaki, située sur le bord de mer. Rien n'est pittoresque comme cette suite de terrasses superposées, ombragées d'arbres touffus et ornées de ces lanternes de pierre, en forme de pyramides, qui précèdent toutes les pagodes japonaises. Plus loin, à droite, s'aperçoit le bâtiment où stationnent les officiers de la douane ».

Ce sanctuaire shintō était dédié au dieu de la guerre, Hachiman, car ce détroit était inscrit tragiquement dans l'histoire militaire du Japon bien avant l'époque Bakumatsu. Le 25 avril 1185, c'est ici que se déroula la bataille navale de Dan-no-ura, bataille décisive qui acheva la terrible guerre civile de Genpei qui opposait les fiefs Minamoto (Genji) et Taira (Heike) depuis 1180. Ce jour là, la flotte des Genji, commandée par Minamoto no Yoshitsune anéantit celle des Heike (Taira). Voyant la défaite inévitable, afin que le jeune empereur du Japon, Antoku, âgé de huit ans, ne soit pas capturé par les Minamoto, dame Nii, sa grand mère, veuve de Taira no Kiyomori, le prit dans ses bras et se précipita avec lui dans les flots. La grande saga historique bouddhique du xive siècle, Le Dit des Heike (Heike monogatari), relate ainsi cette scène dramatique emblématique de « l'impermanence de toutes choses » (mono no aware), le concept bouddhique qui traverse toute cette saga :

« Empereur, tournez-vous vers l’Est afin d’honorer Amaterasu-Omikami, la déesse du soleil et à l’Ouest pour invoquer le Bouddha Amida et sa terre pure. Vous êtes devenu empereur parce que vous avez obéi aux dix bons préceptes au cours de votre précédente vie ; mais maintenant votre fortune a pris fin. Cette terre est une terre de douleur. Je vous emmène dans un autre royaume. »

Un sanctuaire shintō, l'Akama-jingū fut érigé à la mémoire de l'empereur Antoku à Shimonoseki. La fin tragique de l'empereur-enfant Antoku est présentée dans le film Kwaïdan (Kaidan 怪談, « histoires de fantômes »), film fantastique japonais de Masaki Kobayashi sorti en 1964 et prix spécial du jury au festival de Cannes 1965.

Dame Nii emporta également avec elle dans les flots, une des trois regalias, le sabre, qui ne fut jamais retrouvé. Dans la mythologie japonaise ce sabre avait été pris au roi-dragon, qui siège au fond des flots, et qui l'aurait ainsi récupéré après la bataille de Dan-no-ura, comme le précise ultérieurement Le Dit des Heike : « Le Grand Serpent […] a pris la forme d'un Empereur de huit ans et repris le sabre miraculeux pour s'abîmer avec lui au fond des mers ! »

Cette défaite décisive des Taira 2 redonna le pouvoir aux Minamoto. Minamoto Yoritomo devint ainsi le premier shōgun du Japon, installant son gouvernement à Kamakura en 1185 et contraignant l'empereur à un rôle symbolique pour les siècles à venir.

Notes

1. Aujourd'hui, le sanctuaire existe encore mais n'est plus directement en front de mer et a perdu une bonne partie de son charme…

2. La majorité des seigneurs du clan Taira furent tués ou se suicidèrent pendant la bataille : Taira Tomomori, Taira Noritsune, Taira Norimori, Taira Tsunemori, Taira Sukemori, Taira Arimori et Taira Yukimori.


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