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Apollinaire Le Bas

Chine, Pékin, Changping, Voie des Esprits conduisant aux Tombeaux des Ming CHINE Allée de Monolithes conduisant aux Tombeaux des Ming


Inscription , au dessus et au dessous de la photographie, sur le support

CHINE
Allé de Monolithes conduisant aux Tombeaux des Ming 


Commentaire

Après la seule photographie de Pékin de l'album, consacrée aux fortifications, trois épreuves présentent une visite d'un site religieux, archéologique et architectural de premier plan, la nécropole des Ming 1 , fondée par le troisième empereur Ming, Yongle (永樂帝, 1360-1424) 2 qui fit également construire la Cité interdite à Pékin. La nécropole est située près de Changping, à environ 50 km au nord-ouest de Pékin, au pied des monts Tianshou, au Feng shui favorable. La première vue présente la Voie des Esprits shendao (神道), une voie rectiligne de plus de sept kilomètres de long, bordée sur ses huit cents premiers mètres d'imposantes sculptures monobloc en pierre d'animaux et de Mandarins. Un personnage placé à côté de la troisième statue située sur la droite de l'épreuve permet d'en apprécier l'échelle monumentale – elle doit mesurer entre trois et quatre mètres de hauteur. Depuis la fin de cette allée, d'où en a été pris ce cliché, commence l'immense site de treize tombes impériales 3 (80 km2), inscrit depuis 2003 sur la Liste du patrimoine culturel mondial de l'UNESCO. La construction des tombes commença en 1409 et s'acheva en 1644, au moment de l'effondrement de la dynastie.

L'allée est tout d'abord bordée de vingt-quatre sculptures d'animaux dont des éléphants, des chameaux et des animaux mythiques (licornes, Quilin) et ensuite de douze gigantesques Mandarins représentant l'autorité de l'empereur. Les gardiens sont ici au premier plan et l'on discerne les éléphants (repeints par Le Bas sur cette photographie) à l'arrière-plan. Ce cliché a donc été pris de l'extrémité de la première portion de l'allée qui aboutit à la porte du Dragon et du Phénix (Longfengmen) symbolisant respectivement l'empereur et l'impératrice. Le cadrage est décentré pour apercevoir les deux rangées de sculptures au milieu d'une plaine sans végétation en terre battue avec des montagnes en arrière-plan, sur la droite. À gauche de l'épreuve, on aperçoit un bâtiment bordé par quatre piliers de marbre, le Pavillon de la Tablette, érigé par Yongle, aux contours entièrement rehaussés à l'encre noire sur l'épreuve par Le Bas, près des deux colonnes en pierre qui marquent l'entrée de l'allée.

Ce paysage aride et mélancolique a aujourd'hui été restauré et est devenu un lieu verdoyant bordé de saules pleureurs. Cette végétalisation empêche aujourd'hui d'avoir une vue d'ensemble de l'allée comme avait pu le voir Le Bas. Il est possible que cette vue du chemin des âmes soit la plus ancienne aujourd'hui conservée.

Comme quasiment toutes les épreuves de cet album, cette photographie a été pratiquement entièrement retouchée (pour pallier à un négatif médiocre ?). Le Bas repeignait à l'encre un premier tirage pour accentuer les contrastes, ajoutait de la matière dans les parties surexposées et redessinait même les contours d'un bâtiment ou en ajoutait des détails. Il réalisait alors un contretype et signait le nouveau négatif-verre à partir duquel il tirait l'épreuve finale. Autant les repeints fonctionnent très bien sur les portraits de samouraïs par exemple, autant pour certains paysages le résultat n'est pas toujours convainquant.

Notons que Felice Beato (1832-1909), meilleur paysagiste de l'Orient dans les années 1860, et qui a laissé de la Chine et du Japon des paysages d'une qualité technique irréprochable – extrêmement nets tout en retenant la fraîcheur et la spontanéité d'un instantané – ne retouchait pas et ne faisait pas colorier ses paysages, contrairement à ses scènes de genre. On remarque ainsi que quand le studio Stillfried & Andersen racheta le fonds de Beato dont les négatifs étaient alors un peu abîmés, c'est probablement pour masquer le manque de piqué des photographies que celles-ci furent alors coloriées. Les ajouts sur certains paysages (feuillages, détails) ne semblent n'être là que pour masquer des défauts techniques.

Notes

1. La dynastie qui régna sur la Chine de la chute des Mongols, en 1368, à la conquête mandchoue, en 1644.

2. Yongle est l'un des plus célèbres empereurs chinois. Il a régné de 1402 à sa mort en 1424. Il mena une politique centralisatrice et expansionniste et transféra la capitale de Nankin à Pékin afin de surveiller plus facilement l'activité des Mongols. Il fut l'initiateur de la construction de la Cité interdite de Pékin.

3. Treize des seize empereurs de la dynastie Ming reposent ici, ainsi que vingt-trois impératrices et un certain nombre de concubines.


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