Felice Beato

Le Mont Fuji vu depuis Murayama Fusi-yama, from Moori-yama [Fusi-yama, depuis Moori-yama]


Transcription modernisée

FUSI-YAMA, FROM MOORI-YAMA

THIS noble mountain, the highest in the Empire of JAPAN, is situated in the Island of NIPON, in the Province of SARUGA, on the frontier of that of KAI. Its graceful pyramidal peak towers above the surrounding country, and is, according to the measurement of Lieutenant Robinson of the Indian Army, who visited it with Sir Rutherford Alcock, in 1861, 14,177 feet above the level of the sea, in Latitude 35.21 North, and Longitude 138.42 East.

In July and August, the only months of the year when its sufficiently free from snow to permit of the ascent, it is visited by numerous pilgrims, who flock to its cloud—enveloped shrines in crowds.

Daimios and persons of rank are said to believe it beneath their dignity to perform this pilgrimage; most of the pilgrims are therefore of the middle and lower classes. Their dress is peculiar and distinctive—it is of a white cotton material and is stamped with various mystic characters by the Bonzes, or priests, who for that purpose principally occupy the small temples round the crater during the season. A dress sometimes performs the journey more than once though worn by different persons, and the more numerous the stamps or evidences of a visit to the mountain the higher is its value in the eyes of a devotee about to undertake the pilgrimage.

In Yedo, Fusi-yama pilgrims dresses may be purchased so old, so dirty, and so much bestamped, as to have lost their original colour and certainly much of their original purity. The origin of the pilgrimage is traced to the time when Sintoo, the founder of the religion of that name, took up his residence in the mountain, and his spirit is supposed to have influence to bestow various blessings.

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Traduction

LE FUSI-YAMA DEPUIS MOORI-YAMA

Cette noble montagne, la plus élevée de l'Empire du Japon, est située dans l'île de NIPON [Honshū 1 ], dans la province de SARUGA, sur la frontière de celle de KAI. Son gracieux pic pyramidal trône au-dessus du pays environnant, et est, selon la mesure du lieutenant Robinson de l'armée des Indes, qui l'a visité avec Sir Rutherford Alcock, en 1861, situé à 14,177 pieds au-dessus du niveau de la mer, à la latitude 35.21 Nord, et la longitude 138,42 Est.

En Juillet et Août, les seuls mois de l'année où elle est suffisamment exempte de neige pour permettre l'ascension, elle est visitée par de nombreux pèlerins qui affluent en nombre vers ses sanctuaires enveloppés de nuages.

Daimyos et personnes de rang trouveraient au dessous de leur dignité d'effectuer ce pèlerinage ; la plupart des pèlerins sont donc des classes moyennes et inférieures. Leur costume est particulier et distinctif – il est dans une étoffe de coton blanc et est estampillé avec de nombreux caractères mystiques par les Bonzes, ou prêtres, qui, essentiellement à cette fin, occupent les petits temples autour du cratère pendant la saison. Un costume effectue parfois le voyage plus d'une fois mais porté par différentes personnes, et plus nombreux sont les estampillages ou les preuves d'une visite à la montagne, plus élevée est sa valeur dans les yeux d'un dévot sur le point d'entreprendre le pèlerinage.

À Yedo, les costumes de pèlerins du Fusi-Yama [Mont Fuji] peuvent être achetés si vieux, si sales, et tellement estampillés, qu'ils en ont perdu leur couleur d'origine et certainement beaucoup de leur pureté originelle. L'origine du pèlerinage remonte à l'époque où Sintoo [Shintō], le fondateur de la religion de ce nom, a pris sa résidence dans la montagne, et son esprit est censé avoir une influence pour accorder diverses bénédictions.

Notes

1. L'île principale du Japon.


Commentaire

La légende originale de Murray, face à cette épreuve, décrit le mont Fuji avec la minutie d'une mauvaise fiche Wikipédia et enchaîne sur une description fantaisiste des origines du shintō, une religion animiste aux « huit cents myriades de dieux » qui n'a jamais connu de dieu fondateur… Par contre, il décrit avec justesse le costume des pèlerins. Beato a d'ailleurs réalisé un portrait de pèlerin en studio conforme à cette description avec en arrière-plan une peinture de mont Fuji et une lanterne de pierre en carton pour faire bonne mesure 1 .

Le mont Fuji, Fujisan (富士山), est un volcan encore actif, et est le plus haut sommet du Japon, son cône quasiment parfait culminant à 3776 m. Ici, la légende indique Fujiyama, une prononciation erronée assez fréquente chez les occidentaux au xixe siècle. La lecture correcte en japonais est Fujisan (富士山 « mont Fuji »). La confusion vient du fait que le kanji (sinogramme) pour montagne, 山, a deux lectures possibles en japonais, yama et san mais dans ce cas, on prononce toujours san.

Il n'y a pas la moindre présence humaine dans cette vue lointaine prise probablement en été (toute la neige du sommet, généralement présente jusqu'à fin mai semble avoir déjà fondue). La vue est prise depuis Murayama, qui se situe sur les contreforts du mont Fuji, à environ cinq cents mètres d'altitude sur l'un des itinéraires secondaires pour gravir cette montagne.

Les nuages n'apparaissent ici que lorsqu'ils se détachent sur la masse sombre de la montagne. Dans le ciel, uniformément blanc, il ne sont pas visibles à cause de la surexposition de celui-ci, car les plaques de verre sensibilisées avec le procédé au collodion humide ne sont alors sensibles qu'à la couleur bleue.

Notes

1. Cette épreuve n'est pas dans cet album mais figure dans un album composite des collections du musée Guimet (cf. épreuve 267-20).


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Permalien pour cette notice

http://www.guimet-photo-japon.fr/notices/notice.php?id=297