Felice Beato

Le village de Namamugi, sur la route du Tōkaidō View on the Tokaido [Une vue de Tokaido]


Transcription modernisée

VIEW ON THE TOKAIDO.

THERE are five main roads which radiate from YEDO, whose ramifications, like arteries, spread over a large extent of the Island of NIPHON.

The Tokaido, which leads to OSAKA, and there terminates,

The Nakasendo, another road leading by a more circuitous route to OSAKA,

The Nikokaido, a hilly road leading to Miako,

Koof-kaido, lead to KOSHIU,

The Senjikaido which takes a North Easterly direction and leads to HAKODADI. 

Of these main thoroughfares the Tokaido appears to be the one which merits most consideration, as being the principal highway, by which communication is facilitated between the largest cities of Japan, viz:—OSAKA, the central commercial port of Japan; and YEDO which, up to the year 1865, was the residence of the Shiogun or Tycoon.

The Tokaido the road by which Daimios with their retinues most frequently travel, is broad, kept in very good order, and is also, for the most part level: although it crosses considerable mountain passes,—such as Hakoni, ̧—numerous rivers, and more than one arm of the sea.

In the early years of the 17th century, one of the first foreign travellers thus remarks upon the Tokaido: — “on whatever side one turns his eye, he perceives a concourse of people passing to and fro, as in the most populous cities of Europe. The roads are lined on both sides with superb pine-trees, which keep off the sun. The distances are marked with little eminences planted with two trees.”

From that day to the present time the trees appear to have increased. Cedars and Firs of extraordinary beauty and magnificent growth fleck parts of the way with pleasant shadows, and occasionally where bowed by age, stretch their knarled arms with protecting reach across the road they ornament, thereby relieving the monotony of their straighter and younger neighbours.

These trees may not be cut down without the leave of a magistrate, and young ones must always be planted instead of those taken away. Hence the mature age of many of these fine specimens of timber.

(Aide en cas de problème d'affichage des caractères japonais)

Traduction

UNE VUE DU TOKAIDO [Tōkaidō].

CINQ routes principales rayonnent depuis YEDO [Edo] dont les ramifications, comme des artères, s'étendent sur une bonne partie de l'île de NIPHON [Nippon]. 

Le Tokaido [Tōkaidō], qui mène à OSAKA où il s'achève,

Le Nakasendo [Nakasendō], une autre route menant de manière contournée à OSAKA,

Le Nikokaido [Nikkō kaidō], une route montagneuse menant à Miako [Miyako],

Koof-kaido [Kōshū-kaidō] mène à KOSHIU [Kōshū],

Le Senjikaido [Senju-kaidō / Ōshū-kaidō], en direction du Nord-Est, qui mène à HAKODADI [Hakodate].

De ces grands axes, le Tokaido [Tōkaidō], est celui qui mérite la plus grande considération, étant la principale grande route par laquelle les communications sont facilitées entre les grandes villes du Japon, à savoir OSAKA, le port commercial central du Japon et YEDO [Edo] qui est encore en 1865 la résidence du Shiogun ou Tycoon.

Le Tokaido, route la plus fréquemment utilisée par les daimyos et leurs escortes, est large, très bien entretenu et est également plat sur sa plus grande partie, bien qu'il traverse plusieurs passes montagneuse importantes – comme Hakoni [Hakone] – et plus d'un bras de mer.

Dans les premières années du xviie siècle un des premiers voyageurs étrangers, remarque, à propos du Tokaido : « De quelque côté que l'on regarde, on aperçoit quantité de gens allant et venant, comme dans les villes les plus peuplées d'Europe. Les routes sont bordées des deux côtés de superbes pins, qui protègent du soleil. Les distances sont marquées avec des buttes où sont plantés deux arbres ».

Depuis ces jours, les arbres ont bien poussés. Cèdres et pins d'une extraordinaire beauté et d'une magnifique force tachettent la route de leurs ombres agréables, et sont parfois courbés par l'âge, étendant leurs branches noueuses protectrices au dessus de la route qu'elles ornementent en cassant la monotonie de voisins plus raides et plus jeunes.

On ne peut pas abattre ces arbres sans la présence d'un magistrat, et de jeunes arbres doivent toujours remplacer ceux qui partent. D'où l'âge élevé de nombreux de ces beaux spécimens.


Commentaire

Cette vue par Beato du village de Namamugi (qui n'est pas mentionné dans la légende originale), le long de la route du Tōkaidō, est accompagnée d'un texte général présentant tout le réseau des grands axes de circulation terrestre. Dans ce passage Murray fait référence sans le nommer à « un des premiers voyageurs étrangers ». Il s'agit du médecin et voyageur allemand Engelbert Kaempfer (1651-1716). Il fut médecin de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et visita ainsi le Siam, la Chine et le Japon où il résida deux ans à Dejima 1 de 1690-1691 et rencontra même le shōgun Tokugawa Tsunayoshi lors de son voyage à Edo. Son ouvrage History of Japan, fruit de son long séjour au Japon, fut un best-seller dès sa publication posthume à Londres en 1727 et resta longtemps un des seuls ouvrages de référence sur le Japon. Murray cite ici approximativement le début du cinquième chapitre du cinquième livre d'History of Japan dédié aux transports 2 .

Le choix de la légende de Murray apparié à cette épreuve est surprenant, car on trouve parfois dans d'autres albums contemporains de Beato une autre légende plus brutale :

« VIEW OF THE TOKAIDO, THE SPOT WHERE MR. RICHARDSON WAS MURDERED ».

Ce lieu, situé sur la route du Tōkaidō, était un lieu bien connu de la communauté étrangère de Yokohama : le petit village de Namamugi, non loin de Kanagawa. À l'origine, il n'a pas été photographié par Beato comme illustration de la route du Tōkaidō mais comme témoignage 3 du lieu d'un meurtre : là, le 14 septembre 1862, le marchand anglais Charles Richardson fut sabré et achevé par des samouraïs de l'escorte du régent du daimyō de Satsuma, Shimazu Hisamitsu (島津久光, 1817-1887). Il avait refusé de mettre pied à terre au passage du régent Shimazu et de son imposant cortège de quatre cents personnes à son retour d'Edo.

Nommé « l'incident de Namamugi », cet événement causa un émoi considérable à Yokohama et provoqua un grave incident diplomatique menant, en représailles, au bombardement de Kagoshima, dans le fief de Satsuma, par la flotte anglaise en 1863 et qui déstabilisa le pouvoir du shōgun.

Beato lui-même échappa de peu à la mort le 21 novembre 1864. Après qu’il eut déjeuné avec Wirgman, Alfred Roussin, le major Baldwin et le lieutenant Bird, ces deux derniers furent assassinés en rentrant à Yokohama par la route de Kamakura. Beato et les autres étaient eux revenus sans encombres par Fujisawa. Beato photographia ultérieurement la scène du meurtre ainsi que la tête décapitée de l’assassin présumé de Baldwin, Shimizu Seiji, exposée à Yokohama après son exécution.

Notes

1. Île artificielle dans le port de Nagasaki où étaient confinés les Hollandais pendant la fermeture du pays, à l'époque Edo.

2. KAEMPFER Engelbert, traduction BODART-BAILEY Beatrice M., Kaempfer's Japan: Tokugawa Culture Observed, University of Hawaii Press, 1999, p. 271.

3. Toutefois, Beato ne prit ce cliché que plusieurs mois après l'incident, car il n'était pas encore arrivé au Japon au moment des faits.


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