Biographie de Jules Félix Apollinaire Le Bas
Jules Félix Apollinaire Le Bas (1834 - 1874) est un photographe amateur français ayant fait toute sa carrière dans la marine impériale1. On ne connaît à ce jour qu'une série de ses photographies, réalisée en 1864-1865. Il signait A. Le Bas. Il est né le 10 décembre 1834 à Paris et grandit dans un contexte intellectuel et aisé. Son père, Jean Baptiste Apollinaire Le Bas, polytechnicien et commandant de la Légion d’Honneur, ingénieur de la marine réputé avait organisé le transport de l’obélisque de Louxor depuis l'Egypte et son érection sur la place de la Concorde en 1836.
Apollinaire Le Bas fit également le choix d’une carrière militaire. En 1854 il est reçu au concours de l’école impériale Polytechnique. En 1856, il intègre la marine au grade d’aspirant de première classe. En 1863 il devint lieutenant de vaisseau de seconde classe et en 1864, à 29 ans, il embarqua pour la première fois sur les mers d’Asie. Le 21 mars 1864, Le Bas rejoignit la frégate de guerre la Sémiramis participant depuis 1862 à l’expédition de Chine et du Japon, commandée par le Contre-amiral Charles Jaurès (1808-1870). A bord de ce navire, Il servit en tant que commandant d’artillerie jusqu’en 1865. Cette mission l’emmena en Cochinchine, en Chine et au Japon. C’est à cette occasion qu’il réalisa les photographies de ces trois pays contenues dans l'album dédicacé « A Son Excellence M. le ministre de la Marine et des Colonies2 » conservé aujourd’hui au musée national des Arts asiatiques. Sur les quatorze photographies prises au Japon, trois ont été reprises sous forme de gravures dans le numéro 405 du 31 décembre 1864 du journal hebdomadaire Le Monde Illustré, avec un article signé Alfred Roussin3, officier de marine, décrivant l'expédition de Shimonoseki.
En effet, en septembre 1864, à bord de la Sémiramis, Le Bas a participé à la deuxième bataille de Shimonoseki, menée par une escadre internationale en représailles contre les clans du Sud, Chōshū, Tōsa et Satsuma qui ont canonné en 1853 des navires occidentaux dans le détroit de Shimonoseki pour en interdire le passage. Sa bravoure lors de cet événement lui valut la décoration de la légion d’Honneur, qu’il reçut le 26 novembre 1864.
Apollinaire Le Bas fut, avec Felice Beato (1832-1909), le seul photographe présent lors de cette expédition4. Il exécuta une série de clichés, pris après les combats, qui sont inclus dans l'album de Guimet. Felice Beato avait été engagé comme photographe de l'expédition par l’armée britannique, pour laquelle il travaillait régulièrement et réalisa un reportage complet. Le Bas, qui avait participé aux combats, n'a eu l'opportunité de ne réaliser qu'un seul cliché lié directement à cette expédition (portrait d'officiers alliés japonais) et l'on ne sait pas s'il a réalisé ces clichés à titre personnel ou pour le compte de la marine. Les autres vues identifiées de Shimonoseki sont des temples. Sa série décontextualisée de portraits de samouraïs a été prise lors de son séjour à Yokohama.
Après ces hostilités, Le Bas continua sa mission jusqu’en février 1865, mois durant lequel il quitta le Japon avec la Sémiramis. Le 24 octobre 1865.
A ce jour, on ne connaît pas de photographies de Le Bas prises après ce séjour bien qu'il ait encore participé à plusieurs opérations lointaines. En effet, de septembre 1866 à avril 1868, Le Bas participa à une campagne aux Antilles sur l’aviso à roues le Titan au poste d’officier en second. Il partit, ensuite, en 1868 pour une expédition au Gabon où il resta deux ans mais sa santé commença à se détériorer avec ce long séjour dans les rivières du Gabon.
En septembre 1872, Le Bas, âgé de 38 ans, s’embarqua une deuxième fois vers les mers de Chine et du Japon, 8 ans après sa première campagne dans cette région. A cette époque, Le Bas commença à présenter des sérieux problèmes de santé. Pendant toute la durée de cette campagne, l’officier souffrit d’une bronchite chronique au Japon. Elle l’obligea à rester en traitement près de deux mois dans l’hôpital de Yokohama, qu’il avait photographié lors de sa première mission.
De retour en France en 1874, Jules Félix Apollinaire Le Bas s’éteignit à Paris le 12 mars 1875, à l’âge de 41 ans. Célibataire endurci, il avait toujours eu d'excellentes notes. Son bulletin individuel de notes de 1864 indiquait « connaissances accessoires : très fort en photographie ».
Claude Estèbe
Notes
1. Pour rédiger cette biographie, nous avons essentiellement utilisé les articles et les livres de l'historien des relations franco-japonaises Christian Polak, et en particulier :
POLAK Christian, Lys et Canon, Images et correspondances retrouvées (1860-1900), Tōkyō, Chambre de commerce et d'industrie française du Japon, 2013.
Ainsi que le mémoire de master de Thomas Kesteloot consacré à l'album de Le Bas du musée Guimet :
KESTELOOT Thomas, L’album de photographies de Jules Félix Apollinaire Le Bas conservé au musée Guimet : le rare témoignage d’un photographe méconnu, Mémoire d'étude (1re année de 2e cycle), sous la direction de Mme Dominique de Font-Reaulx, Paris, Ecole du Louvre, 2015.
Le nom de Le Bas était apparu pour la première fois dans l'ouvrage de Clark Worswick qui accompagnait l'exposition Japan, Photographs: 1854-1905 en 1979.
WORSWICK Clark, Japan, Photographs : 1854-1905, Pennwick Publishing Inc, Alfred A. Knopf Inc, Etats-Unis, 1979.
Enfin, le docteur Joseph Dubois, ancien propriétaire de l'album du musée Guimet lui avait consacré un court article, juste après son acquisition en 1999.
DUBOIS Joseph, « L’Affaire de Shimonoseki », Bulletin Association Franco-Japonaise, no 65 - juillet 1999, Paris.
2. Le Bas ayant probablement réalisé cet album peu de temps après son retour en France, la dédicace doit être adressée à Justin Napoléon Prosper de Chasseloup-Laubat ministre de la marine et des colonies de 1860 à 1867.
3. Alfred-Victor Roussin (1839-1919), commissaire au service de la Marine Impériale, fut le secrétaire du contre-amiral Jaurès à bord de la Sémiramis. Il rédigea l’ouvrage Une campagne sur les côtes du Japon dans lequel il raconte la campagne que mena la Sémiramis de 1862 à 1864. Roussin, qui fréquentait le photographe Felice Beato et le peintre Charles Wirgman à Yokohama, réalisa également de nombreuses aquarelles de son séjour au Japon.
4. Une photographie commémorative de la prise des canons de Shimonoseki par Felice Beato est conservée à la Bibliothèque Nationale de France.
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2018