Suzuki Shin'ichi
Avertissement
Les peintures qui ornent chaque page de cet album sont attribuées à l’artiste ODA Kyōsai (1845-1912). Son nom est mentionné comme auteur à part entière de la première à la quatrième de couverture mais pas systématiquement repris pour toutes les autres pages de l’album où il est intervenu.
Biographie
Suzuki Shin'ichi II (二代目鈴木真一 1855–1912) n'a jamais été appelé par ce nom de son vivant. Il signait tout simplement Suzuki Shin'ichi et avait son studio à Tōkyō, mais comme il y avait également au même moment un autre Suzuki Shin'ichi qui avait un studio à Yokohama et qui était de surcroît son beau-père, les historiens ont fini par les numéroter un et deux pour limiter les confusions qui n'ont pas manqué de se produire…
Suzuki Shin'ichi II est le plus jeune et le plus célèbre des deux Shin'ichi. Bien qu'il soit aujourd'hui peu étudié et relativement peu connu, c'est un photographe important de l'ère Meiji.
Suzuki est le nom adoptif d'Okamoto Keizō (岡本圭三), né dans la province d'Izu.
Dans les années 1860, il devient à Yokohama l’élève du peintre et caricaturiste anglais Charles Wirgman (1832-1891)1, un temps associé du photographe Felice Beato. Il apprend la photographie avec Shimooka Renjō (下岡蓮杖 1823-1914)2, et travaille dans son atelier photo de Yokohama à partir de 1870. Il y rencontre Suzuki Shin'ichi I (初代目鈴木真一)3, également apprenti chez Shimooka.
En 1873, Okamoto épouse la fille de Suzuki, Nobu (のぶ), et est adopté par sa belle-famille selon la coutume muko-iri (婿入り), fréquente chez les artisans. Il s'installe donc dans la famille Suzuki, adoptant le nom de son père adoptif Suzuki Shin'ichi. Mais son beau-père garde le même nom.
En 1876, Suzuki (ex Okamoto) ouvre un studio de photographie à Nagoya. En 1879, pour apprendre les techniques de retouche photographique, il se rend à San Francisco où il se perfectionne auprès du photographe I. W. Taber. À son retour au Japon, il ouvre en 1881 une branche du studio de son beau-père à Kudanzaka, Tōkyō.
Vers 1882, Suzuki a également collaboré avec Yokoyama Matsusaburō (横山松三郎 1838–1884) à la mise au point d'une technique originale pour créer des « peintures à l'huile sur photographie » shashin abura-e (写真油絵), un procédé pour stabiliser les couleurs4.
Ses photographies remportent des prix à diverses expositions internationales en Europe et au Japon. Il photographie le roi d'Hawaii Kalākaua en 1881 et à la demande de la maison impériale le prince héritier, futur Empereur Taishō, en 1888 et l'impératrice douairière du Japon en 1890. La même année, le gouvernement japonais lui commande des albums photographiques de vues du Japon afin de les offrir comme cadeaux diplomatiques.
À partir de 1893, le studio de Yokohama de son beau-père est repris par son fils légitime Isaburō (伊三郎), qui signe I.S Suzuki et continue son exploitation jusqu'en 1908. Après la guerre russo-japonaise (1904-1905), Suzuki Shin'ichi II, suite à un investissement malheureux dans le fret maritime est ruiné et doit céder son studio. Il meurt peu de temps après en 1912.
Claude Estèbe
Notes
1. Charles Wirgman (1832-1891) est un artiste britannique, peintre et caricaturiste. Il résida à Yokohama à partir de mai 1861 comme correspondant du Illustrated London News. Il publie le premier magazine humoristique au Japon, le Japan Punch, un mensuel publié de 1862 au printemps 1887 dont il dessine toutes les illustrations. En 1864 Wirgman et le célèbre photographe Felice Beato montent la firme Beato and Wirgman, Artists and Photographers, active jusqu'en 1867. Ils s'étaient rencontrés en Chine lorsqu'ils couvraient tous les deux l'expédition franco-britannique lors de la deuxième guerre de l'opium (1859-1860).
2. Shimooka Renjō (下岡蓮杖 1823-1914), né Sakurada Hisanosuke (桜田久之助), reçoit une formation de peintre de l'école Kanō avant de devenir un des grands pionniers de la photographie au Japon. Il étudie la photographie à Yokohama avec Julia Maria Lowder, la fille d’un missionnaire. En 1861, il obtient son premier appareil de l’américain John Wilson. Vers 1862 il ouvre à Yokohama un atelier de portraits en ambrotypie – une variante simplifiée du procédé au collodion humide donnant une image positive sur verre. Son studio reste actif jusqu'en 1875. Il est également un précurseur de la peinture à l'huile au Japon.
3. Travaillant tout d'abord dans la sériciculture, Suzuki Shin'ichi I est surtout connu pour sa série de photographies illustrant la vie quotidienne au Japon de 1872–1873, réalisée pour le périodique de Yokohama The Far East édité par John Reddie Black. Elle comprend un reportage complet sur l'élevage des vers à soie.
4. Voir ESTEBE Claude, Le premier âge d’or de la photographie au Japon (1848-1883), Thèse de doctorat en langue & civilisation japonaise, sous la direction de Pierre-François Souyri, Paris, INALCO, 2006, p. 346
Le musée municipal de Hakodate possède deux variantes du même portrait de Itô Inosuke (伊藤鋳之), en procédé shashin abura-e, réalisées en 1882, l’une mise en couleur par Suzuki et l’autre par Yokoyama Matsusaburō lui-même.
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2018